Le courrier doit passer ! by Gérard Piouffre

Auteur:Gérard Piouffre [Piouffre, Gérard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Le temps des otages

En mars 1926 enfin, Daurat desserre l’étreinte. Son poulain est envoyé à Casablanca, où il retrouve Lécrivain, Dubourdieu, Reine, Ville, Rozès, Érable, Gourp… Le tableau qu’ils brossent de la situation est très sombre : « C’est à n’y rien comprendre, expliquent-ils. Tu te poses sur une plage. Auparavant, tu as scruté l’horizon et tu n’as pas remarqué âme qui vive… Bientôt, il te semble voir une ombre entre les dunes. Tu te dis : “J’ai des visions.” Si tu t’attardes, une armée surgit. Tu as juste le temps de mettre les gaz… et, si un bonhomme a troué ta carlingue d’une balle, quelques jours plus tard, à chaque escale, sur mille cinq cents kilomètres, tu vois les Maures s’approcher hypocritement de ton zinc, regarder les traces et te dire : “Mon cousin Ahmed, des R’Guibat, est bien désolé de ne pas t’avoir tué.” »

Et pourtant, les pilotes français n’ont encore rien vu. Le 10 novembre 1925, le colonel Bens a été relevé de son commandement et mis à la disposition du ministre de la Guerre. Il est remplacé par le colonel de la Pena, jeune officier de carrière qui n’est pas véritablement enchanté d’être affecté au cap Juby. Dès sa prise de fonction, il applique une politique à l’opposé de celle de son prédécesseur en commençant par supprimer les rations de riz jusqu’alors distribuées aux nomades. En quelques jours, le laxisme, sans doute excessif, du colonel Bens fait place à une rigueur qui stupéfie les Maures. Dans un premier temps, la Pena se félicite d’avoir employé la manière forte. Il ne va pas tarder à déchanter, car la réaction des Maures va être d’une extrême brutalité. Et, comme ils ne peuvent rien contre les forts espagnols, ils s’en prennent aux aviateurs français.

Le 28 novembre 1925, les avions d’Érable et de Gourp se font cribler de balles. Les pilotes sont heureusement indemnes et les dégâts se limitent à quelques trous dans les ailes. Le 30, Pivot échappe de justesse à la mort, une balle ayant traversé son appareil à quelques centimètres de son siège. De son côté, Reine rentre avec un aileron troué. Le 6 décembre, un autre Breguet essuie plusieurs coups de feu dans les parages de l’oued Noun.

Le lundi 21 décembre, Marcel Reine et son interprète, Elhomic Ben Admed, inaugurent le temps des otages. Les deux hommes ont décollé d’Agadir en direction du cap Juby à 7 h 30. Tout se passe normalement pendant la première partie du voyage, mais, au bout d’une heure vingt de vol, le moteur a des baisses de régime. Rapidement, des bouffées de fumée sortent du capot. Reine pense qu’un piston est crevé et il vire pour retourner à Agadir lorsque son moteur le lâche dans un grand bruit de ferraille. À ce moment, le Breguet est à 800 m d’altitude. C’est peu, d’autant que le sol rocailleux n’est pas propice à un atterrissage de fortune. Reine parvient néanmoins à se poser à 300 m du rivage, sur un terrain «

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